La voix de nos anciens

Auteur et interprète atypique, ce Solognot d’origine raconte avec sensibilité l’histoire de ses aïeux, du Val de Loire aux régions avoisinantes. « La Fille du puisatier », « La Soupe », « Le Chêne de Jeanne d’Arc », « Ventre jaune », « Les Garennes », etc. À travers une centaine de chansons à texte, des nouvelles et trois recueils de contes, Albin Forêt redonne vie aux traditions et coutumes d’antan. Ses chansons sont une véritable balade à travers le temps et les légendes, un voyage dans une Sologne que l’on aimerait retrouver.

Dans vos textes, vous racontez souvent le passé, du Moyen-Âge jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi avez-vous un tel attachement au temps de vos aïeux ?

Il y a là, je l’avoue, un peu de nostalgie qui me traverse. Mais elle m’inspire. Je suis de plus en plus passéiste et certaines valeurs et traditions du passé me manquent. Je pense à la terre, aux vieux remèdes, aux bracos d’antan, aux croyances, aux vieux métiers sédentaires et itinérants, et même à l’huile de foie de morue ! Et à une époque où les anciens étaient au centre des familles… Plus jeune, j’ai eu le privilège de vivre à côté de la petite ferme de mon grand-père. Il a toujours ignoré la technologie et continuait de travailler à l’ancienne, avec ses chevaux. J’ai pu vivre cette authenticité, qui m’inspire encore aujourd’hui. Je suis sûrement d’une autre époque, de celle où c’était tous les jours l’aventure. Même s’il ne faut bien sûr pas l’idéaliser ! Mais, dans le temps, quand quelqu’un avait trop bu et n’arrivait pas à monter sur son vélo, il restait sur place et attendait que cela se passe ; il n’avait pas d’autre solution. Aujourd’hui, tout va trop vite.

« Les Scieurs de long », « À l’heure du canal », « Nos Enfants », « Le Trait des crues », « Au bord des marécages »… Ce sont les noms de certains de vos albums musicaux. De quoi parlent ces musiques ?

Chaque chanson que j’interprète raconte une histoire. Ce sont des témoignages de personnages qui ont existé ou qui ont peut-être existé. Je chante leur vie, celle de leurs amis et connaissances, dans un milieu modeste et rural. Le jour où je passerai de l’autre côté, je suis convaincu que je rencontrerai les personnages de mes chansons. Je parle par exemple souvent de la marine de Loire. On a souvent en tête l’idée d’une vie festive. Pourtant, leur vie quotidienne était loin d’être toujours à la fête. Par exemple, on parle peu du fait qu’ils avaient beaucoup de temps à tuer et fabriquaient divers objets en bois, comme des battoirs à linge sculptés au couteau pour leur fiancée.

Vous n’avez pas véritablement connu l’époque dont parlent vos chansons. Pourquoi est-elle si importante pour vous ?

Je ne prétends pas tout connaître mais je me permets de partager ces histoires et d’apporter un moment de découverte aux gens. Je trouve qu’on n’écoute pas trop les anciens et c’est dommage. Ces curiosités et histoires, je les ai découvertes dans des livres, en écoutant les gens du coin et en lisant beaucoup de bouquins inspirants. Et puis faire un récital face au public me fait vivre des moments et des rencontres incroyables.

La Sologne est-elle pour vous une terre propice à l’inspiration ?

La Sologne est propice à tous ces récits. Historiquement, c’est une région de pauvreté avec une population miséreuse, frappée par les fièvres et l’ergotisme. Aujourd’hui, c’est une région de plus en plus engrillagée, un sujet qu’il faudrait traiter sérieusement un jour. Elle a aussi une histoire très riche. La Sologne d’il y a deux cents ans a ses traditions et ses us et coutumes, comme toutes les régions de France. Il reste peu de gardiens de ces savoirs-là, alors je m’accroche à leurs histoires.